
Témoignages de patients
Andrew Combes
Le carcinome à cellules de Merkel, d’après Andrew Combes
On n’oublie jamais une telle déclaration : « Vous avez un carcinome à cellules de Merkel ». Vous n’en aviez jamais entendu parler auparavant, et cette masse ou cette bosse apparemment bénigne que vous aviez remarquée prend immédiatement un aspect beaucoup plus inquiétant. Elle ne vous gênait pas, ne vous faisait pas mal, ne vous démangeait pas et n’était pas chaude au toucher. Ce diagnostic est un véritable choc.
Chacun réagit différemment à la nouvelle; dans mon cas, c’était la deuxième fois qu’on m’annonçait que j’avais un cancer. La première fois, sept ans plus tôt, c’était le cancer de la prostate. Nous avons tous une petite idée de ce qu’est le cancer de la prostate, mais en ce qui me concerne, le carcinome à cellules de Merkel (CCM) était beaucoup plus mystérieux. Pour des raisons particulières, ce n’est pas un médecin qui m’a annoncé la nouvelle et j’ai dû attendre quelques semaines avant d’obtenir une consultation. Eh bien, laissez-moi vous dire que le Dr Google n’est pas votre ami dans ce genre de circonstances! Bien sûr, on peut trouver de l’information, mais ce que j’ai appris au cours des semaines et des mois qui ont suivi, c’est que les sources fiables sont très souvent dépassées, surtout en ce qui concerne les taux de survie. La situation s’améliore constamment grâce aux nombreuses recherches en cours dans le monde entier. Il faut beaucoup de temps pour que les données rendent compte de ces progrès. C’est ce que m’ont dit avec insistance plusieurs éminents oncologues qui mènent des programmes de recherche.
Si vous recevez un diagnostic de CCM, vous vous sentirez certainement très seul : personne dans votre entourage n’a ou n’a eu ce type de cancer, et c’est aussi le cas de l’entourage des gens que vous connaissez. Nous avons tous des amis et des proches qui ont eu des cancers de toutes sortes, du sein, du poumon, de la prostate, de l’estomac, etc. Mais comme le CCM est très rare, il y a de fortes chances que vous ne connaissiez personne qui soit atteint de cette maladie-là. Une semaine environ après que j’ai reçu mon diagnostic, un de mes amis allait consulter son dermatologue, qui est très sollicité, et je lui ai demandé s’il pouvait lui poser une question toute simple : « Combien de cas de CMC voyez-vous habituellement chaque année? ». Le dermatologue a répondu qu’il exerçait dans une grande ville depuis 16 ans et qu’il n’avait recensé qu’un seul cas dans toute cette période. En apprenant cela, j’ai acheté un billet de loterie; après tout, pourquoi pas? [Je n’ai pas gagné].
Ma tumeur primaire était au départ ce que je croyais être une piqûre d’insecte, une erreur très répandue apparemment. C’est resté une petite masse dure pendant environ un an, puis elle s’est mise tout d’un coup à grossir rapidement. J’ai donc consulté mon médecin généraliste qui a commandé une biopsie. Lorsque l’échantillon a été prélevé en vue de l’analyse pathologique, la minuscule « piqûre d’insecte » avait atteint 3,5 cm et ressemblait à un œuf au plat vu en coupe transversale lorsque j’appuyais dessus. Ça grossit vite, ces machins-là. Mais pour le reste, c’était tout à fait bénin : pas de démangeaisons, de douleurs ou de sensations d’aucune sorte.
Il a été établi que j’en étais au stade 3b, une forme avancée de la maladie. Il existe une échelle très précise et complexe pour déterminer le stade du CCM et je me suis donné beaucoup de mal pour la comprendre. Je suis un de ces patients embêtants, j’ai besoin de tout comprendre. J’ai peut-être trop de temps à perdre, mais pour moi, il est utile de se renseigner sur le quoi, le pourquoi et le quand. Je recommande à tous les patients de le faire pour avoir une connaissance minimale de la maladie.
La stadification dépend de la taille et de la localisation de la tumeur primaire, et de la question de savoir si elle s’est propagée localement aux ganglions lymphatiques ou à des organes plus éloignés. Pour le déterminer, on procède à un examen d’imagerie par TEP ou TDM. On injecte une substance visqueuse radioactive dans la circulation sanguine, puis on patiente un certain temps, le temps que la magie opère. La magie c’est que les cellules cancéreuses accumulent autour d’elles la composante radioactive au fur et à mesure que la substance visqueuse circule dans l’organisme. L’étape suivante consiste littéralement à faire un pas, vers la plateforme du tomographe à émission de positons (TEP). L’appareil sera probablement réglé de manière à balayer tout votre corps de haut en bas et à effectuer plusieurs passages. Il y a beaucoup de données à traiter, mais ce que votre oncologue obtient en fin de compte, c’est un modèle numérique de tout votre corps, tranche par tranche. Toute trace de cancer apparaît à l’écran sous forme de taches vertes ou jaunes brillantes : c’est le milieu radioactif qui est attiré par les cellules cancéreuses.
Ma tumeur primaire offrait naturellement tout un petit spectacle lumineux, et ce n’était pas une surprise. En revanche, il était plus désagréable de constater que l’un de mes ganglions lymphatiques sous l’aisselle brillait lui aussi de mille feux. J’en étais donc au stade 3b. Il fallait agir très vite.
J’ai eu de nombreuses discussions avec mon équipe de traitement, une équipe pluridisciplinaire composée d’un oncologue médical principal, d’un oncologue chirurgical, d’un oncologue radiothérapeute et, pour faire bonne mesure, d’un dermatologue spécialisé. Il n’existe pas de méthode universelle pour traiter ce cancer de la peau. Chaque cas est différent et à mesure que le traitement progresse, il faudra procéder par essais et tâtonnements.
Nous avons fini par nous mettre d’accord sur un traitement assez classique. Un mois d’immunothérapie à l’aide d’un médicament (le nivolumab) qui a pour effet d’éliminer l’enveloppe protéique dont se servent les cellules cancéreuses pour éviter d’être détectées par notre propre système immunitaire. Ce traitement est suivi d’une intervention chirurgicale visant à retirer la tumeur primaire et les ganglions lymphatiques en cas de nécessité. Après une période de récupération qui permettra à la peau de cicatriser, un traitement de radiothérapie sera appliqué au foyer du cancer primaire et aux ganglions lymphatiques touchés.
Jusque-là, je ne savais pas grand-chose sur l’immunothérapie, mais j’ai lu beaucoup d’articles et j’ai commencé à m’inquiéter des nombreux effets secondaires signalés. Ne commettez pas cette erreur! L’un des avantages du traitement du CCM est qu’il repose généralement sur l’utilisation d’un seul médicament. Les nombreux effets secondaires dont on peut trouver la description sur Internet sont beaucoup moins courants lorsqu’on n’utilise qu’un seul médicament. Et c’est à peu près comme ça que les choses se sont passées pour moi. Deux perfusions à deux semaines d’intervalle et très peu d’effets secondaires. Peut-être un peu de fatigue après la deuxième perfusion, mais ça n’a pas duré longtemps.
La tumeur n’a pas eu la vie facile pendant l’immunothérapie. Au bout d’un mois, elle a commencé à rétrécir, d’abord lentement, puis avec entrain. Je l’ai sentie s’amincir à travers ma peau et j’ai vu les contours extérieurs de l’« œuf au plat » s’estomper. C’est un sentiment merveilleux. C’est le signe que le système immunitaire et l’agent d’immunothérapie agissent ensemble efficacement pour détecter et détruire les cellules cancéreuses. Au moment de mon opération, cet œuf frit de 3,5 cm n’était plus qu’une tumeur viable de 4 mm.
Dans mon cas, l’intervention chirurgicale a été très simple : la tumeur primaire située sur mon bras, au-dessus du coude gauche, a été réséquée avec de grandes marges et au final, deux ganglions lymphatiques ont été également retirés. Ça m’a fait du bien de me sentir débarrassé de l’envahisseur.
La cicatrice opératoire a mis quelques semaines à se refermer, mais le chirurgien n’a pas tardé à donner son accord pour l’instauration de la radiothérapie. Première étape, la « cartographie » : l’application du rayonnement est une opération très précise qui s’étale sur plusieurs semaines, cinq jours par semaine. Il faut adopter exactement la même position à chaque fois. De retour dans la plateforme d’un appareil d’imagerie, dans une salle remplie de techniciens, sous l’œil de mon radio-oncologue et même d’un ou deux physiciens. Baigné dans des quadrillages laser, mesuré et positionné dans un sens et dans l’autre, et immobilisé sous deux sacs de grains. Pour finir, on me tatoue deux minuscules points de référence sur le bras et on m’administre mon schéma de radiothérapie. Quelques minutes par jour, mais tous les jours de la semaine pendant les cinq semaines suivantes.
Les cellules du CCM sont extrêmement sensibles aux rayonnements et ce traitement est très efficace. Ça ne fait pas mal, mais avec le temps, ma peau est devenue un peu rouge et s’est épaissie. J’ai terminé le traitement il y a six ou sept semaines et les zones cicatricielles sont pratiquement revenues à la normale.
J’espère que ce récit personnel vous sera utile si vous devez entamer un traitement du CCM. Pour ma part, toutes les étapes se sont déroulées presque sans douleur et sans effets secondaires notables. Au moment où j’écris ces lignes, il n’y a pas d’ADN tumoral détectable dans mon organisme. Des examens de suivi seront effectués tous les trimestres pendant deux ans.
J’ai beaucoup appris en une période relativement courte. Je connais parfaitement les statistiques concernant les récidives. Mais ce que je sais surtout, c’est qu’il s’agit d’un domaine de recherche très dynamique et que les perspectives à long terme des patients atteints de CCM s’améliorent partout. Vous n’êtes pas seul, vous êtes simplement le nouveau membre de cette petite communauté qui s’agrandit.
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